Dans le passionnant monde des métiers d'art, où la créativité et la tradition se marient harmonieusement, il existe un sujet de préoccupation de plus en plus présent : l'utilisation du plomb. Ce métal, utilisé depuis des siècles dans divers métiers artistiques, fait aujourd'hui l'objet de nouvelles réglementations restrictives. Pour comprendre l'impact de ces évolutions, nous vous emmenons dans une consultation interprofessionnelle et interministérielle qui s'est tenue le 19 juillet 2023. Cette réunion virtuelle a rassemblé des organisations professionnelles, des représentants de différentes filières des métiers d'art, ainsi que des ministères. Plongeons ensemble dans cet état des lieux pour mieux comprendre les enjeux et les actions à venir.
Crédits Atelier Thomas Masson
La Commission Européenne envisage de mettre à jour la directive CRMD, qui concerne la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques sur le lieu de travail. Cette mise à jour prévoit une application dans un délai de cinq ans à compter de la date de mise en œuvre. L'une des principales modifications concerne la réduction de la valeur limite d'exposition au plomb (VLEP) de 0,15 mg/m3 à 0,03 mg/m3, ainsi que la réduction de la valeur limite biologique pour le plomb (VLB) de 700 µg/L de sang à 45 µg/L (position du parlement) ou 150 µg/L (position de la Commission et du Gouvernement). Ces changements sont significatifs et ont suscité des préoccupations parmi les acteurs des métiers d'art.
En 2018, la Suède a demandé l'inscription du plomb à l'annexe 14 du règlement REACH, ce qui entraînerait une interdiction d'utilisation du plomb. En mai 2023, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a recommandé cette inclusion à l'annexe 14, avec un délai de 36 + 18 mois. Cependant, la Commission européenne n'a pas encore pris sa décision. Le règlement REACH soulève des inquiétudes en raison des coûts élevés associés à la mise en conformité, notamment pour les petites entreprises qui constituent une part importante des métiers d'art.
Crédits Atelier Thomas Masson
Ces évolutions réglementaires pourraient avoir des conséquences majeures pour les professionnels des métiers d'art. Il y a un risque de disparition d'entreprises et de savoir-faire, en raison de la précarisation des métiers et de la délocalisation des activités dans des pays moins contraignants en matière de réglementation sur la santé des travailleurs. De plus, la directive pourrait discriminer les femmes, car le taux de 45 µg/L de sang proposé par le Parlement pourrait les empêcher de travailler dans les métiers où le plomb est utilisé, alors que la part des femmes est importante dans certaines filières.
Le règlement REACH entraînerait une procédure d'autorisation individuelle coûteuse pour les entreprises, ce qui serait particulièrement problématique pour les petites entreprises, qui sont nombreuses dans les métiers d'art. Les délais prévus pour se conformer à ces nouvelles réglementations ne semblent pas suffisants pour permettre aux entreprises de s'adapter.
La recherche de substituts au plomb est complexe et nécessite du temps et des moyens financiers. Dans certains secteurs, comme le vitrail, le plomb est utilisé dans plusieurs applications, et trouver des alternatives adéquates n'est pas une tâche facile. Les filières du cristal et du vitrail ont commencé à explorer des solutions de substitution, mais il est difficile de garantir que ces substituts auront les mêmes propriétés que le plomb. La recherche demande du temps, des ressources financières considérables et des partenariats européens.
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Pour faire face à ces défis, plusieurs actions sont envisagées :
Il existe un consensus sur le besoin de collecter des données plus complètes et structurées sur la santé des travailleurs exposés au plomb. Ces données sont essentielles pour étayer les arguments des filières et des professionnels et pour mieux comprendre les conséquences de l'exposition au plomb dans le domaine du patrimoine culturel. Des études subventionnées par les institutions publiques sont nécessaires pour structurer ces données.
La création et le renforcement d'un réseau européen de professionnels et d'entreprises des filières concernées sont essentiels pour défendre une position commune au sein de l'Union Européenne. Une collaboration avec d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne, pourrait renforcer la mobilisation professionnelle.
La création d'un fonds d'urgence aux niveaux national et européen pour financer la recherche de substituts dans les filières du vitrail et de la facture d'orgues est nécessaire. La recherche demande du temps et des ressources financières considérables, et ces fonds pourraient contribuer à accélérer les progrès.
La production et la diffusion de guides destinés aux petites et moyennes entreprises des métiers d'art sur les politiques de santé, ainsi qu'une veille partagée entre les organisations professionnelles et les ministères, sont essentielles pour informer et accompagner les professionnels. Il est également important de maintenir le suivi des protocoles sanitaires existants.
L'évolution de la réglementation sur l'utilisation du plomb dans les métiers d'art représente un défi majeur pour les professionnels et les entreprises de ce secteur. La consultation interprofessionnelle et interministérielle du 19 juillet 2023 a permis de mettre en lumière les préoccupations et les actions à entreprendre pour faire face à ces évolutions. Il est essentiel de protéger les savoir-faire ancestraux tout en garantissant la sécurité des travailleurs et la préservation de la santé publique. Les professionnels des métiers d'art
Crédits photos : Atelier Thomas Masson